Apulée - un âne au moulin
APULÉE (milieu IIè s. apr. J.-C.) - Les métamorphoses (livre IX, 10-15) - APULEIO : per l'italiano vedere in basso
source : http://remacle.org/bloodwolf/apulee/metamorphoses9.htm
Ce récit, qui s’apparente par bien des aspects au roman moderne, a été appelé « l’âne d’or » dès l’Antiquité tardive. Ânes, meules et moulins à travers l’histoire fictive, rocambolesque et plutôt grivoise d’un homme fait âne et devenant esclave au moulin :
« Quant à moi, le lendemain je fus mené au marché et vendu à la criée. (5) Le boulanger d'un village voisin m'acheta sept deniers plus cher que Philèbe ne m'avait naguère payé. Tout aussitôt mon nouveau maître, qui venait de faire provision de grain, m'en mit sur le dos ma charge, et me mena, par un chemin plein de cailloux et de racines, au moulin qu'il exploitait.
XI. Là se trouvaient bon nombre de meules à mécanique, que mainte bête de somme faisait tourner en tous sens. Tant que durait le jour, même la nuit, nul relâche au mouvement de ces machines, et la farine se fabriquait au prix du sommeil. (2) Le patron, pour rendre mon noviciat moins rude, commença par me loger et traiter splendidement, et me laissa chômer le premier jour devant un râtelier copieusement garni; (3) mais cette heureuse faculté de bien manger et ne rien faire ne dura pas plus d'un jour. Le lendemain de grand matin, je fus attelé à la meule qui semblait la plus grande. On me couvre la face, et je me trouve poussé en avant dans une étroite rainure circulaire, contraint de décrire infiniment le même tour, passant et repassant sur mes propres traces, sans dévier ni arriver. (4) Je n'oubliai pas en cette occasion ma prudence et ma circonspection habituelles, et n'eus garde de montrer trop de docilité dans ce nouvel apprentissage. Je n'étais pas sans avoir vu fonctionner de ces machines, quand je faisais partie de l'espèce humaine. (5) Mais, tenant à passer pour gauche et pour neuf autant que possible, je demeurais en place, feignant un étonnement stupide. Je me flattais qu'une fois mon inaptitude reconnue en ce genre d'exercice, on me trouverait ailleurs une besogne plus facile, ou qu'on me laisserait tranquille au râtelier; (6) je fus détrompé à mes dépens: un rang de bras armés de bâtons s'établit autour de moi; et au moment où j'y pensais le moins, car je n'y voyais goutte, un cri donne le signal, et les coups de tomber comme grêle sur mon échine. Cette évolution déconcerta mes calculs au point qu'à l'instant j'étendis la corde de toute ma force comme si je n'eusse fait autre chose, et je fis lestement plusieurs tours de manège, aux grands éclats de rire des assistants que ce brusque changement d'allure ne divertit pas peu.
XII. Le jour était presque écoulé, et je n'en pouvais plus, quand on me détela pour me ramener à l'écurie. (2) Bien que je fusse sur les dents et que je sentisse au dernier degré le besoin de me reposer; bien que la faim me dévorât, ma curiosité naturelle prit le dessus. Et, avant de toucher à l'abondante ration qu'on avait placée devant moi, je me mis à étudier avec intérêt la discipline intérieure de cette fatale usine. (3) Dieux! quelle population rachitique d'êtres humains, à la peau livide et marquetée de coups de fouet! quels misérables haillons couvrant, sans les cacher, des dos tout noirs de meurtrissures! Quelques-uns n'avaient pour tout voile qu'un bout de tablier jeté autour des reins. (4) Tous, à travers leurs vêtements, montraient le nu de toutes parts. Tous étaient marqués d'une lettre au front, avaient les cheveux rasés d'un côté, et portaient au pied un anneau. Rien de plus hideux à voir que ces spectres aux paupières rongées par la vapeur brûlante et la fumée, aux yeux presque privés de lumière. Ajoutez à cela une teinte blafarde et sale qu'ils devaient à la farine dont ils étaient saupoudrés, comme les athlètes qui s'inondent de poussière avant d'engager le combat.
XIII. Que dire des animaux, mes compagnons d'infortune? Par où m'y prendre pour en tracer le tableau? Quel assortiment de vieux mulets et de chevaux éreintés, (2) plongeant la tête à plein dans leurs mangeoires, et triturant péniblement des monceaux de paille pour toute nourriture! Quelle collection de cous rongés d'ulcères purulents, de naseaux essoufflés, de flancs épuisés et battus par la toux, de poitrails excoriés par le tirage du manège, de côtes mises à nu par les coups, de sabots démesurément élargis par un piétinement continuel, de cuirs tout raboteux, couverts de croûtes invétérées! (3) Je fis alors un triste retour sur moi-même. Je me rappelai mon état de Lucius, et, me voyant descendu à cette condition désespérée, je baissai la tête et versai des larmes amères. Un attrait cependant m'attachait encore à la vie, en dépit de mes souffrances: ma curiosité trouvait à s'exercer au milieu de ce monde agissant et parlant devant moi sans tenir compte de ma présence. (4) Ce n'est pas sans raison que le père de l'antique poésie chez les Grecs, voulant mettre en scène un homme de grande prudence, nous dit que ce mérite lui venait d'avoir vu beaucoup de villes, et fait connaissance avec beaucoup de peuples. (5) Moi-même je ne me rappelle pas mon existence de baudet sans un sentiment de gratitude. J'ai, sous la peau d'âne, sinon beaucoup profité, du moins beaucoup appris.
XIV. Je veux, à ce propos, vous conter une bonne histoire plus piquante encore que les autres, et, sans préambule, j'entre en matière. (2) À ce boulanger qui, pour son argent, était devenu mon maître, bon homme d'ailleurs et des plus rangés, le sort avait donné pour moitié la pire assurément de toutes les femelles. Elle ne lui épargnait rien de ce qui peut affliger un mari dans son honneur et dans son ménage: c'était au point que moi-même j'en gémissais intérieurement pour lui. (3) Pas un vice qui ne se trouvât chez cette détestable créature, véritable sentine d'impureté. (4) Humeur envieuse, querelleuse, bachique, lubrique, opiniâtre, acariâtre, avare jusqu'à la rapine en matière d'intérêts, prodigue dans ses jouissances, dénuée de toute bonne foi, ennemie de toute pudeur, (5) foulant aux pieds toute religion, elle prétendait avoir un autel à elle, pour un dieu unique; et, par de vaines pratiques extérieures, elle imposait au public et à son mari, tandis que du matin au soir l'hypocrite s'en donnait à boire ou à faire pis.
XV. Cette digne personne m'avait pris tout particulièrement en aversion. Dès avant le jour, je l'entendais crier de son lit: À la meule l'âne nouveau venu! (2) Elle était à peine sortie de sa chambre, qu'elle me faisait appliquer en sa présence une volée de coups de bâton. Quand l'heure du repas était arrivée, tandis qu'on dételait les autres bêtes, elle prescrivait de ne me laisser approcher du râtelier qu'après tous les autres. (3) Ces persécutions excitèrent d'autant plus en moi l'instinct de la curiosité. J'étais certain que journellement un jeune homme s'introduisait dans sa chambre, et je mourais d'envie de voir sa figure; mais mes regards ne pouvaient percer au travers de mon capuchon. (4) Autrement, de façon ou d'autre, je serais parvenu à n'ignorer aucun des déportements de l'odieuse créature. Certaine vieille ne la quittait pas de tout le jour. C'était sa courtière de vice, l'entremetteuse de ses relations de galanterie. (5) On débutait par bien déjeuner ensemble, et puis, tout en sablant le vin sans eau à qui mieux mieux, on ourdissait quelque trame bien noire au préjudice de l'infortuné mari. (6) Quant à moi, malgré ma trop juste rancune contre cette maladroite Photis qui m'avait fait âne en voulant me faire oiseau, je me trouvais en un point dédommagé de l'extrême mortification de paraître sous cette grotesque figure; car avec cette grandissime paire d'oreilles dont elle m'avait doté, je pouvais entendre le mieux du monde ce qu'on disait même assez loin de moi. »
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VERSION BILINGUE Fr / Latin : http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/apuleeIX/
extrait du Livre IX, paragraphe 11 ci-dessus ("XI. Là se trouvaient bon nombre de meules à mécanique,") :
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andare a : http://testilatini.blogspot.fr/2007/06/apuleio-le-metamorfosi-metamorphoseon.html -
per l'italiano andare molto ma molto giù nella pagina
Data ultimo aggiornamento: 02/07/2021